MAGISTRATURE COUCHEE
Je viens de lire la chronique judiciaire du Monde sur le réquisitoire des procureurs au procès CHIRAC des emplois fictifs de la Mairie de Paris. Je pense que même les non abonnés peuvent en prendre connaissance. Il est signé Pascale ROBERT DIARD, qui en a vu d’autres et qui est là comme ébahie.
http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2011/09/20/proces-chirac-du-requisitoire-ne-reste-que-le-nom/
Ce réquisitoire appelle quelques réflexions.
Auparavant, je tiens à préciser que mon antichiraquisme a commencé à flancher en avril 2002, lorsque pour la première fois j’ai voté pour lui, et que j’ai été fier de notre Président lorsqu’avec VILLEPIN il s’est opposé à BUSH sur la guerre en Irak. Parcours banal de beaucoup de français.
Il nous reste un vieux monsieur un peu gâteux, que son successeur rend particulièrement sympathique, et je ne parviens pas à trouver un véritable sens à son procès, qui arrive si tard sur des faits aussi anciens.
N’empêche, si ce procès n’intervient que maintenant, c’est parce que toutes les ficelles ont été employées pour en retarder l’issue et que CHIRAC a, pendant 12 ans, bénéficié d’une immunité judiciaire du fait de sa fonction présidentielle.
Ce procès tardif est donc parfaitement légitime, d’autant plus qu’en acceptant d’indemniser la Ville de Paris, CHIRAC a pratiquement reconnu sa culpabilité.
Voilà pourquoi, fondamentalement, le procès CHIRAC, je m’en foutais. Mais ce soir, plus du tout.
Revenons au réquisitoire que relate Pacale ROBERT DIARD.
Elle décrit deux pantins demandant pour des motifs absurdes la relaxe ou à la rigueur une dispense de peine.
Que faut-il en déduire?
Il pourrait y avoir une explication satisfaisante: les deux procureurs en font des tonnes pour aboutir au résultat inverse de ce qu’ils demandent. En requérant une relaxe délirante, ils savonnent la planche des avocats de la défense et veulent provoquer une réaction furieuse du Tribunal.
Ce serait une explication ironique assez réjouissante, si on y croyait.
Mais ce à quoi nous assistons, c’est plus vraisemblablement au spectacle d’un pan de justice qui s’enfonce dans la honte. Des magistrats soumis, des magistrats aux ordres, des magistrats sans vergogne, pour qui seul compte le regard de leurs chefs.
Et c’est indigne, parce qu’ils requièrent au nom du Peuple français, pas au nom de leur carrière ou de celle de leurs supérieurs.
Nous avons en France un Parquet, c’est-à-dire des accusateurs, soumis à un principe hiérarchique. Le procureur et ses substituts ne sont pas, à la différence des juges du Siège (ceux qui décident, qui rendent les jugements) des magistrats indépendants.
Le pouvoir politique ne veut pas de cette indépendance, qui est pourtant la norme dans pratiquement tous les pays démocratiques. M. CAMERON ne peut pas donner d’ordres aux procureurs anglais, ni Mme MERCKEL aux procureurs allemands etc.
C’est une anomalie à laquelle il faudra mettre fin. Et si nous ne le faisons pas de plein gré, la Cour européenne des Droits de l’Homme nous y contraindra, comme elle a contraint la France à revoir la procédure de garde à vue.
Ce pouvoir hiérarchique, vestige venu de l’Ancien Régime, il demeure cependant relatif, en théorie.
Un adage ancien, à propos des procureurs, dit ceci: « la plume est serve, la parole est libre ».
Il signifie qu’un procureur, tenu lorsqu’il requiert par écrit de respecter les ordres reçus, a le droit, lorsqu’il requiert à l’audience, d’écouter ce que lui dicte sa conscience, ou même simplement ce que lui imposent
les fragments de vérité apparus à l’occasion des débats.
C’est dire que nos deux procureurs du jour n’ont aucune excuse.
On dit des procureurs qu’ils font partie de la magistrature debout, parce qu’ils se lèvent lorsqu’ils requièrent.
Nous voyons aujourd’hui qu’ils peuvent requérir couchés.
On dit des magistrats du Siège qu’ils font partie de la magistrature assise, parce qu’ils sont assis lorsqu’ils écoutent les procureurs requérir et les avocats plaider.
Formons des voeux pour que les trois magistrats qui vont prononcer le jugement dans l’affaire CHIRAC se lèvent pour rendre son honneur à la Justice française.
Bruno GALY
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